La théorie monétaire moderne, ou MMT, a reçu pas mal d’attention ces dernières semaines. Elle a été critiquée assez grossièrement par des gros noms de l’économie (liste détaillée ici). Si j’ai été déçu par la faible la qualité des critiques, elles ont suscité de nombreuses réponses intéressantes par des défenseurs de la MMT. Je vous propose ici une traduction d’une partie d’un billet de John T. Harvay. Si vous lisez correctement l’anglais, lisez donc son billet directement, il est très clair. Sinon, voici une traduction d’une partie du billet, retouchée depuis une première version faite par deepl.


MMT: Sense Or Nonsense? Par John T. Harvey

Avant d’entrer dans les détails, je tiens à préciser ma position. Je ne suis pas d’accord avec tout dans la Théorie Monétaire Moderne (MMT). Toutefois, les aspects avec lesquels je ne suis pas d’accord n’ont jamais fait l’objet d’un débat public et ils ne font aucune différence dans les recommandations politiques qui en découlent. Pour le grand public, il s’agirait de détails (bien qu’ils puissent valoir quelques articles scientifiques !). J’en parle simplement pour vous dire que je critique certains aspects de la MMT et que je ne me contente pas de suivre la ligne du parti ici. Cela dit, dans le contexte du débat actuel, les partisans de la MMT ont raison. Pour illustrer cela, nous devons d’abord examiner à quoi ressemble la MMT (que je considère simplement comme de la macroéconomie bien faite). Il faudra évidemment que ce soit bref. Je me concentre en particulier sur la garantie publique à l’emploi.

Le problème fondamental à résoudre

  1. Il n’y a aucune raison à ce que le secteur privé fournisse un emploi à tous ceux qui sont prêts à travailler. En effet, pour le secteur privé, la main-d’œuvre est un coût qu’il faut minimiser. Ce n’est pas une critique, c’est juste la structure incitative inhérente à cette partie de notre économie.

  2. Nous avons la capacité de produire des biens et des services à un niveau jamais vu auparavant par la société humaine. Il n’y a aucune raison logique pour que quiconque (par exemple, les chômeurs) doive s’en passer. Ce serait immoral.

Les faits macroéconomiques essentiels

  1. Comme l’a dit la fille du président [NDT : Ivanka Trump] il y a quelques jours, les gens aiment travailler. C’est tout à fait vrai.

  2. L’argent n’est pas rare. Tant le secteur privé que le secteur public le créent à l’aide d’une simple pression sur une touche de clavier. Le mécanisme par lequel le secteur privé et le secteur public le fait est différent, bien sûr.

  3. Dans le secteur public, parce qu’à toutes fins utiles, le Trésor et la banque centrale agissent de concert, le gouvernement se finance par création monétaire. Cela arrive tous les jours et n’a rien de nouveau.

  4. Contrairement à l’argent, les ressources réelles sont rares et constituent la seule véritable limite à notre capacité de produire des biens et des services dans les secteurs privé et public. Nous ne pouvons pas, par exemple, faire quelque chose qui nécessiterait un doublement du nombre de travailleurs Américains. Il n’y a tout simplement pas assez de gens sur le marché du travail. Nous pourrions le budgétiser et le financer, pour ainsi dire, mais nous ne pourrions pas vraiment le faire. Ce n’est pas réaliste. Il y a des choses que nous ne pouvons pas faire.

  5. Le gouvernement américain ne peut jamais faire défaut sur une dette libellée dans sa propre monnaie, qu’il peut émettre. Ce n’est pas une théorie, c’est la loi. Je n’ai pas d’espace pour le faire ici, mais vous pouvez voir ce billet de blog pour en savoir plus.

  6. Le déficit du secteur public correspond exactement à un excédent du secteur privé. Ce n’est pas une théorie, c’est la comptabilité de base. Si le gouvernement dépense plus qu’il ne récupère en taxes et impôts, le secteur privé gagne plus qu’il ne paie. C’est pourquoi la dette du secteur privé a grimpé en flèche pendant la période des excédents budgétaire de Bill Clinton. Encore une fois, voici un billet de blog pour le contexte. [NDT : vous pouvez auusi lire le mien]

La solution

  1. Si nous avons des ressources inutilisées, rien n’empêche le gouvernement américain de les activer en utilisant de l’argent nouvellement créé. C’est notamment vrai pour la force de travail inutilisée. Ce n’est pas un gros problème social et économique s’il y a des morceaux de charbon ou de pommes de terre qui traînent partout. C’en est un s’il y a 15 millions de chômeurs, comme c’était le cas au plus fort de la récession qui a suivi la crise financière.

  2. Il est immoral que le gouvernement n’agisse pas lorsque a) nous avons la capacité de produire des biens et des services pour ces personnes et b) elles veulent travailler. Mais si le secteur privé ne peut pas faire de profit en embauchant ces chômeurs, il ne faut pas s’attendre à ce qu’il le fasse.

  3. Les chômeurs devraient plutôt être embauchés par le secteur public. Tant que nous aurons des problèmes sociaux qui ne sont pas rentables économiquement - défense nationale, police, protection contre les incendies, réparation des infrastructures, éducation publique, nettoyage et protection de l’environnement, soins aux personnes dépendantes, etc - il y aura suffisamment de travail pour tout le monde. Le jour où nous n’aurons plus aucun problème social et environnemental à résoudre, alors nous pourrons commencer à nous inquiéter sur « la fin du travail ». Soit dit en passant, nous devrions laisser au secteur privé le soin de régler les problèmes sociaux qui sont rentables économiquement [NDT : je trouve ce dernier point est plus discutable].

  4. Nous fonctionnons ou avons déjà fonctionné beaucoup comme ça ! Le gouvernement crée déjà de l’argent pour financer le déficit budgétaire, il essaie déjà de mettre en branle des forces pour embaucher les chômeurs et il gère déjà notre très élevé ratio dette/PIB sans aucun problème. Je continue de voir la MMT décrite comme une sorte de politique radicale ; ça ressemble davantage à une tactique de peur qu’à une évaluation honnête de la MMT. Elle préconise plutôt un recentrage, une réorientation et une réorganisation de ce que nous faisons déjà. Une grande réorganisation, sans aucun doute, mais rien que nous ne faisons pas maintenant ou que nous n’ayons pas fait dans le passé.

  5. De telles politiques ne sont inflationnistes que si nous sommes déjà en situation de plein emploi et si nous essayons de pousser la demande au-delà de notre capacité de production. Toutefois, puisque l’objectif de la politique est d’atteindre le plein emploi, il n’y a aucune raison de la poursuivre au-delà de ce but. C’est un peu comme dire que si vous continuez à pomper de l’air dans un pneu, il finira par exploser. Oui, c’est pour ça que tu t’arrêtes avant. Tu voulais seulement un pneu gonflé pour pouvoir bien rouler à nouveau.