Bill Mitchell est un économiste australien, fervent défenseur de la Théorie Monétaire Moderne (MMT), dont il est un des auteurs. Dans un de ses billets de blog récent, il propose une liste de conclusions auxquelles aboutissent les personnes initiées à la MMT. Je vous en propose ici une modeste traduction, mais n’hésitez pas à aller voir le billet d’origine, qui est en outre beaucoup plus long vu qu’il évoque la question de la balance commerciale.


Nous sommes d’accord sur ceci, par Bill Mitchell

Les personnes qui ont été initiées à la théorie monétaire moderne (MMT) comprennent très largement les faits suivants :

  1. Il y a une différence fondamentale entre l’émetteur d’une monnaie et ses utilisateurs, en ce que l’émetteur de la monnaie n’est soumis à aucune contrainte financière intrinsèque. Un gouvernement émetteur de sa monnaie pourra toujours rembourser n’importe quel emprunt qu’il a pu prendre, tant qu’ils sont émis dans cette même monnaie. De même, un tel gouvernement pourra acheter tout ce qui est à vendre dans la monnaie qu’il émet, y compris la main d’œuvre inactive. Il en suit que le gouvernement décide du taux de chômage. Un taux de chômage élevé est toujours un choix politique, et non quelque chose qui est imposé par « des forces de marché » ou qui découle des choix des individus et ménages.

  2. La capacité des gouvernements à dépenser de l’argent est préalable à la collecte des revenus de taxations. Les sommes collectées par les taxes et impôts viennent de fonds que le gouvernement a d’abord dû dépenser (et créer).

  3. Les banques centrales ont le monopole d’émission de la « monnaie de banque centrale », tandis que les banques commerciales émettent de la « monnaie de banque » d’une frappe de clavier, par « extension du bilan ». Les banques centrales décident du taux d’intérêt, mais ne peuvent contrôler la masse monétaire totale, ni même le volume de « monnaie banque centrale » en circulation. En effet, la banque centrale n’a d’autre choix que de s’assurer qu’il y a assez de réserves bancaires pour maintenir la stabilité financière (ce qui est une de ses missions principales). Si les chèques se mettent à être soudainement refusés pour cause de pénurie de réserves, une panique financière s’en suivra. Il en découle aussi que l’hypothèse de « l’asséchement », formulée par des économistes orthodoxes (c’est-à-dire l’idée que les emprunts gouvernementaux assèchent le secteur privé de fonds rares, qui aurait pu être disponibles aux entreprises) est une idée absurde. Les banques commerciales donneront des prêts à la demande de tout emprunteur qu’elles estimeront capable de rembourser. Les emprunts d’états ne sont pas en concurrence avec le crédit aux entreprises ou aux ménages.

  4. Les comptes nationaux nous indiquent qu’un déficit budgétaire gouvernemental implique nécessairement un excédent budgétaire du secteur non-gouvernemental, et réciproquement (cf billet précédent, NDT). Le secteur non gouvernemental est constitué du secteur privé domestique et du secteur étranger. S’il y a un déficit extérieur et que le secteur privé domestique désir épargner, le gouvernement devra être en déficit budgétaire. C’est-à-dire que les surplus budgétaires gouvernementaux réduisent la richesse du secteur non-gouvernemental. La notion « orthodoxe » que les surplus budgétaires constituent une « épargne nationale » est fausse. Un simple utilisateur de la monnaie, tel qu’un ménage, épargne (se prive de consommations présentes) pour pouvoir profiter de possibilités de consommations futures plus importantes (entre autres via les intérêts de ses comptes d’épargnes). Un gouvernement émetteur de sa monnaie n’a jamais besoin d’épargner pour être en mesure de dépenser dans le futur. Il pourra toujours acheter ce qui est à vendre dans cette même monnaie, au moment qu’il trouvera opportun.

  5. Le but d’une bonne gouvernance budgétaire n’est pas de parvenir à un résultat budgétaire donnée (excédent ou déficit). Il est de s’assurer que le niveau de dépense du gouvernement est suffisant pour assurer à la fois le plein-emploi et la stabilité des prix, après avoir pris en compte les taux de dépenses et d’épargnes des acteurs du secteur non gouvernemental. En partant d’une situation nationale particulière, si le secteur privé désir globalement épargner plus, et pour cela réduit le niveau de ses dépenses, et à moins que le niveau net d’exportation ne suffise à compenser, le gouvernement devra augmenter son déficit pour éviter une montée du chômage et un risque de récession. Il n’y a pas de taux de déficit ou d’excédent budgétaire idéal dans l’absolu, tout dépend du contexte, des désirs du secteur non gouvernemental.

Ces notions commencent à être acceptées par certains économistes orthodoxes, dans le sens où certains disent que la Théorie Monétaire Moderne ne contient pas d’idée nouvelle.